Comment mieux faire accepter la densification?

Michael Wicki, Malte Wehr, Gabriela Debrunner, David Kaufmann; EPFZ
Mardi, 23.04.2024
Dans les villes suisses, une stratégie de densification qui met l’accent sur des logements abordables et des espaces verts est mieux acceptée que celle qui mise sur moins de réglementation dans la construction de logements. C’est ce que montre un rapport de recherche de l’EPFZ destiné aux aménagistes et aux pouvoirs publics locaux. Les enseignements tirés de cette recherche devraient permettre d’éviter de trop longues procédures de planification, des oppositions et des retards de construction.
Blick auf das Koch-Areal in Zürich-Altstetten
Vue sur le site du «Koch-Areal» à Zurich-Altstetten: un exemple actuel d’ensemble d’habitation à usage mixte organisé en coopérative avec des espaces verts. (Photo: Keystone/Christian Beutler)

En bref

  • Un rapport de recherche de l’EPFZ montre comment les villes suisses peuvent concevoir une densification aussi bien écologique que sociale et créer des logements à prix abordables.
  • Les projets de densification sont mieux acceptés quand ils sont réalisés par des organisations publiques ou d’intérêt général et quand ils mettent l’accent sur des logements à prix abordables dotés d’espaces verts.
  • Ces préférences ne s’observent pas seulement dans les métropoles suisses comme Zurich et Genève mais dans chacune des 162 villes suisses.

La situation du logement dans les villes suisses fait actuellement l’objet de vives discussions dans le monde politique et les médias. Cette question est aussi au centre des réflexions des aménagistes et des urbanistes, qui doivent mettre en œuvre le développement vers l’intérieur comme l’exige depuis dix ans la loi sur l’aménagement du territoire (LAT). Une de leur tâche principale consiste à coordonner et à harmoniser les différentes exigences d’utilisation de l’espace urbain, comme l’habitat, le travail, les transports, les loisirs ou la détente, de manière à ce qu’elles se complètent le mieux possible et créent des synergies.

Recommandations pour une densification axée sur l’acceptation

Intitulé «Acceptation publique et politique pour une densification verte et abordable», le rapport de recherche réunit les enseignements actuels sur le développement vers l’intérieur du milieu bâti. Destiné aux aménagistes qui travaillent dans les administrations municipales et aux politiciennes et politiciens qui posent les jalons du développement urbain, il contient des analyses des débats actuels sur le logement, des résultats d’enquête sur l’acceptation de la densification et des recommandations politiques.

Les principaux enseignements sont les suivants:

  • Les projets de densification sont mieux acceptés par la population urbaine lorsqu’ils sont réalisés par des organisations publiques ou d’intérêt général et qu’ils visent des objectifs écologiques et favorables à la cohésion sociale.
  • Dans les villes, une stratégie de densification qui mise sur «moins de réglementation» dans la construction de logements, autrement dit sur une réduction des obstacles administratifs et juridiques, n’est certes pas rejetée, mais elle est nettement moins bien acceptée qu’une stratégie de densification «verte et abordable», qui met l’accent sur des logements bon marché et une augmentation des espaces verts.
  • La protection du climat et un développement urbain adapté au climat sont très bien acceptés par la population des villes.
  • Ces préférences ne s’observent pas seulement dans les plus grandes villes suisses comme Zurich ou Genève mais dans chacune des 162 villes au sens statistique.

Une politique foncière active pour une densification éco-sociale

De manière générale, les chercheurs recommandent aux exécutifs communaux de renforcer leurs équipes d’urbanistes de façon à pouvoir agir stratégiquement en matière de développement urbain et mener une politique foncière active pour réaliser des objectifs de développement écologiques et sociaux.

Les résultats actuels de l’étude montrent que, dans ce contexte, agir ne signifie pas uniquement créer de nouveaux instruments ou édicter de nouveaux règlements (p. ex. un droit de préemption). Pour mettre en œuvre une densification sociale et verte, les villes peuvent aussi utiliser les instruments qui existent déjà, comme les plans d’affectation ou la compensation de la plus-value; elles peuvent par exemple acheter des terrains ou adopter un règlement sur les constructions qui soit favorable à une densification écologique et socialement acceptable. Autre élément déterminant: une stratégie de communication active avec les propriétaires fonciers privés, qui permette aux villes de sensibiliser les acteurs impliqués sur l’importance d’une densification qui soit favorable à la cohésion sociale et respectueuse de l’environnement et sur ses répercussions sur le développement urbain. Il est ainsi possible d’éviter le blocage de constructions, les retards et les oppositions locales et de mettre efficacement en œuvre sur le long terme l’objectif général de la densification.

Les chercheurs concrétisent leurs recommandations pour les métropoles financières de Zurich et Genève, pour les villes de taille moyenne comme Lausanne, Bâle ou Saint-Gall, pour les villes d’agglomération dynamiques comme Opfikon, Spreitenbach ou Carouge ainsi que pour les centres régionaux comme Coire, où la pression de densification de l’habitat est certes encore faible, mais devrait augmenter ces prochaines années.

L’étude contient des recommandations politiques détaillées pour une densification éco-sociale adaptée au type de commune. Les stratégies proposées pour gérer efficacement la pression liée à la densification varient selon les ressources financières et humaines de la ville, et selon les réserves de terrains constructibles dont elle dispose.

Équipe des autrice et auteurs et projets de recherche

Wicki, Michael, premier assistant EPFZ1
Wehr, Malte, candidat au doctorat EPFZ1
Debrunner, Gabriela, première assistante EPFZ1
Kaufmann, David, professeur assistant EPFZ1

1EPFZ, Institut de l’aménagement du territoire et du paysage (IRL), groupe pour le développement territorial et la politique urbaine (SPUR)

À l’EPFZ, David Kaufmann, professeur assistant en développement territorial et politique urbaine, travaille sur le développement vers l’intérieur des villes. Son groupe de recherche (SPUR) étudie notamment comment l’offre et les prix sur le marché du logement sont liés aux décisions politiques en matière de développement territorial ainsi qu’aux projets d’infrastructures et de constructions et comment les nouvelles constructions ont un impact social sur l’habitat en ville.

Dans le contexte du projet «Densifying Switzerland» (2021-2025) du Fonds national suisse, les chercheurs de l’EPFZ analysent toutes les votations portant sur des projets d’aménagement locaux qui ont eu lieu entre 2002 et 2020 dans chacune des 162 villes suisses au sens statistique.

Bibliographie

Wicki, M, Wehr, M, Debrunner, G, Kaufmann, D (2024). Öffentliche Akzeptanz und Politik für eine grüne und bezahlbare Innenverdichtung. Bericht zur Akzeptanz der Verdichtung in der Schweiz. ETH Zürich. 

Debrunner, G. (2024): The Business of Densification. Governing Land for Social Sustainability in Housing. Palgrave Macmillan.

Lutz, E, Wicki, M, Kaufmann, D (2024). Creating inequality in access to public transit? Densification, gentrification, and displacement, ETH Libary. 

Debrunner, G, Hengstermann, AH. (2023). Vier Thesen zur effektiven Umsetzung der Innenentwicklung in der Schweiz. DisP-​The Planning Review, 59(1), 86-97. 

Kaufmann D, Lutz E, Kauer F, Wehr M, Wicki M (2023). Erkenntnisse zum aktuellen Wohnungsnotstand: Bautätigkeit, Verdrängung und Akzeptanz. Bericht ETH Zürich. 

Lutz E, Kauer F, Kaufmann D (2023). Mehr Wohnraum für alle? Bericht ETH Zürich. 

14 juin 2024: date du congrès EspaceSuisse

Inscrivez-vous maintenant!